Les quatre piliers de la pratique basée sur les données probantes
Il y a plusieurs années, une chercheuse a fait une courte présentation sur la pratique basée sur des données probantes. C’était la première fois que j’en entendais parler et cela m’a grandement interpellée. J’avais enfin l’impression que la recherche reconnaissait des dimensions importantes en clinique qui sont souvent peu documentées. En effet, l’Evidence Base Practice (EBP) dépasse largement l’utilisation de données scientifiques. Pour moi, cette affirmation permet de mettre en lumière des enjeux cliniques auxquels les intervenants sont confrontés. Afin de mieux accompagner mes clients, j’ai cherché à les connaitre et à comprendre leurs interactions. Le MOOC de l’Université de Liège offre des connaissances approfondies sur le sujet. Les chercheurs y abordent les 4 piliers de l’EBP. On y compte la recherche, l’expertise clinique, le client et le contexte. C’est donc à partir de ces concepts que je poursuis ma réflexion clinique et que je vous la partage.
Les piliers négligés de la pratique basée sur les données probantes
Malheureusement, trop souvent, trois des quatre piliers de l’EPB sont très peu approfondis et pris en compte. Je pense à l’expertise clinique, au patient et au contexte. Pourtant, ces trois piliers sont au cœur de toutes situations cliniques. À mon avis, plusieurs situations cliniques complexes peuvent être résolues si on tient compte de ces trois dimensions. En tenant compte de leurs interactions, les cliniciens peuvent prendre des décisions plus solidement fondées sur la situation clinique. Les résultats scientifiques probants, bien que cruciaux, ne suffisent donc pas pour déterminer quand, comment et pourquoi agir comme clinicien. Voici donc certaines réflexions cliniques, connaissances et expériences concernant ces piliers qui prennent beaucoup de place dans ma pratique. Prendre en compte les quatre piliers de la pratique basée sur les données probantes assure une qualité de services.
Composer avec la théorie et la pratique
Je suis passionnée d’apprentissage. Créer des liens entre le langage, les apprentissages et la communication est, pour moi, fascinant. Au-delà de ces connaissances, j’ai un profond intérêt pour la dimension clinique et humaine de mon travail. L’essentiel pour moi, en clinique, est de rapprocher ces connaissances théoriques du quotidien des gens. Cela nécessite beaucoup d’analyse et de réflexion et me parait tout aussi stimulant et essentiel. Accompagner une personne, c’est une occasion d’accéder à sa réalité et à sa perception. C’est aussi de comprendre et considérer sa vision et ses valeurs dans mes prises de décision cliniques. Intégrer mes clients dans le processus d’évaluation et d’intervention, c’est une façon de défier la théorie. Plusieurs d’entre eux m’aident à valider différentes connaissances acquises au fil des années. D’autres m’offrent la chance de les questionner. Ce qui compte, c’est d’intégrer et analyser les connaissances scientifiques dans le contexte du quotidien.
L’expertise du clinicien, le client et le contexte: ce que la recherche n’a pas
Lorsqu’on s’intéresse au fonctionnement du monde de la recherche, on constate que les scientifiques cherchent à comprendre et expliquer. Très souvent, ceux-ci décontextualisent les phénomènes en créant des situations particulières en laboratoire. Bien certainement, des variables sont contrôlées, comme l’âge, la nature des difficultés des participants ou ce qui sera rééduqué. Toutefois, bons nombres de caractéristiques ne sont pas prises en compte. Procéder de cette façon permet d’accéder à une multitude d’informations pertinentes. Toutefois, cette vision scientifique ne doit pas amener les cliniciens à omettre le client, le contexte et son expertise. La situation clinique n’est pas comme une situation en laboratoire. La pratique clinique est contextuelle. L’évaluation et l’intervention se réalisent dans différentes situations dont les caractéristiques doivent guider les actions cliniques. Pour un même besoin, je peux agir différemment selon le contexte, la vision du client et mes expériences.
L’expertise du clinicien
Ce pilier regroupe de nombreuses connaissances et compétences. On y retrouve l’expertise scientifique, les connaissances du contexte, le raisonnement clinique et l’expertise interpersonnelle. Cette dernière permet au clinicien d’observer, de communiquer et d’interagir adéquatement avec les clients. Pour moi, cela s’actualise dès ma première rencontre avec le client. Ma préoccupation première est de connaitre sa perception de sa situation. Je questionne pour mieux approfondir les situations problématiques vécues et pour connaitre les moyens utilisés pour s’adapter. J’implique les clients dans mon raisonnement clinique en vulgarisant mes réflexions pour qu’elles soient compréhensibles pour eux. Je valide mes observations en impliquant le jeune ou le parent dans mon analyse. Par exemple, je demande si ce que j’observe, une difficulté ou une force, est présente au quotidien. Cette approche favorise un partenariat avec le client. Elle permet de valider mes observations tout en permettant au client de prendre du pouvoir sur sa situation.
Le patient
Selon l’EBP, les cliniciens doivent considérer diverses dimensions propres aux patients. Ces variables ont un impact sur l’efficacité des interventions. La présence d’autres troubles, le développement du client, son contexte familial, social, culturel, ses forces, sa motivation et sa personnalité influencent la réponse à l’intervention. Cette vision nécessite donc de considérer les différences individuelles des clients dans toute leur complexité pour optimiser l’accompagnement offert. Par exemple, certains parents souhaitent un accompagnement à long terme avec un suivi mensuel. Mes objectifs d’intervention et les moyens que j’utilise s’adapteront à la situation. D’autres préfèrent des rencontres plus régulières sans être présents lors des suivis. Pour eux, cela permet à leur enfant de développer leur autonomie ou une relation avec un adulte de confiance. D’autres clients souhaitent être présents pour observer et reprendre le suivi à la maison. Bref, autant de clients que de vision qui teintent la fréquence, les objectifs et les moyens d’intervenir.
Le contexte dans la pratique basée sur les données probantes
Selon l’EBP, le contexte dans la pratique basée sur les données probantes dépasse l’individu. Le contexte dépasse également l’interaction entre des individus. Différentes dimensions font partie du contexte : le cadre juridique, politique et déontologique, les organisations publiques et leur structure et le contexte économique. Comme clinicien, ces variables sont parfois facilitantes et parfois contraignantes. Tenir compte de ces caractéristiques permet d’exploiter le meilleur de chaque situation. Être dans des contextes différents et nouveaux obligent à modifier ma façon d’agir et d’accompagner. Ayant été consultante pour plusieurs écoles secondaires, j’ai tiré profit de ce contexte particulier. Accompagner les milieux en offrant de la consultation plutôt que des services « traditionnels » d’évaluation et d’intervention a été gagnant. Les milieux et les jeunes ont pu en tirer profit à long-terme. Pratiquant maintenant en privé, j’opte souvent pour des évaluations traditionnelles pour permettre aux clients de mieux comprendre une situation.
MOOC U de Liège :
https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/psychologue-et-orthophoniste-lebp-au-service-du-patient/