Les causes scientifiquement reconnues de la dyslexie
Depuis de nombreuses années, les chercheurs ont identifié des causes pour expliquer la dyslexie. La conscience phonologique, la mémoire phonologique et l’accès lexical en font partie. La conscience phonologique est la capacité à manipuler les sons. Très souvent, une atteinte de la vitesse ou de la précision peut être observée, parfois ce sont les deux. La mémoire phonologique correspond à la capacité à retenir des regroupements de phonèmes qui est souvent compromise. La tâche de répétition de non-mots permet d’évaluer cette habileté. Une atteinte de celle-ci relève une difficulté à mémoriser et traiter les sons des mots. Enfin, l’accès lexical permet d’accéder rapidement et précisément aux mots de son lexique mental. Dans la dyslexie, une tâche de dénomination rapide automatisée permet d’évaluer cette difficulté. C’est-à-dire une tâche qui mesure la capacité à nommer rapidement des objets, couleurs, ou lettres. Ces différents déficits isolés ou combinés peuvent expliquer la dyslexie et dysorthographie.
Les troubles de traitement visuel dans la dyslexie
Toutefois, pour certains jeunes, ces marqueurs cognitifs ne permettent pas de comprendre et dresser un portrait cohérent. Pour y parvenir, d’autres hypothèses explicatives de la dyslexie et de la dysorthographie peuvent être utiles. Bien que moins reconnues, ces difficultés permettent de comprendre certains profils inattendus. Parmi les troubles de traitement visuel, un des plus connus est l’atteinte de l’empan visuoattentionnel. Ce trouble a depuis longtemps été étudié par Sylviane Valdois. À ce trouble s’ajoutent d’autres problématiques, par exemple, l’attention visuelle, les stratégies de fixation et de saccades oculaires ou l’encombrement visuel. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. Toutefois, mes connaissances et mes expériences me permettent de considérer ces explications lorsque je rencontre certains jeunes. Ces difficultés pourraient, pour certains jeunes, expliquer les difficultés en lecture. Pour d’autres jeunes, elles pourraient y contribuer.
Le trouble d’empan visuoattentionnel se caractérise par des difficultés à traiter plusieurs éléments visuels (lettres) simultanément. Concrètement, lorsqu’un lecteur mature fixe un mot, il traite et analyse un nombre de lettres simultanément. Ce traitement simultané est possible grâce à la « fenêtre visuoattentionnelle ». Pour certains jeunes, cette fenêtre serait restreinte, ce qui exigerait plus de fixations et de saccades en lisant. Les difficultés liées à l’attention visuelle affecteraient la capacité à filtrer les distractions visuelles. Ce qui permet de concentrer son attention sur les informations pertinentes. L’encombrement visuel est la difficulté à reconnaitre des lettres lorsqu’elles sont entourées de stimuli visuels proches. L’ensemble des difficultés de traitement visuel pourraient donc contribuer ou expliquer des difficultés en lecture. Toutefois, les enjeux en orthographe ou en écriture semblent beaucoup moins évidents et documentés.
Comment se manifestent des difficultés de traitement visuel?
D’abord, je prends en considération la perception du client concernant ses difficultés. Peu importe l’âge, je questionne systématiquement le jeune et ses parents dès la première rencontre. Je demande si les difficultés sont plus importantes en lecture ou en écriture. Lorsque la lecture est définitivement plus difficile, il s’agit d’un indice à considérer. Dans ce cas, je questionne également sur la nature des difficultés en lecture. Par exemple, est-ce exigeant de lire? Est-ce que le jeune a l’impression de se « perdre » dans les mots? Est-ce qu’il lit bien, mais qu’il n’arrive pas à comprendre le sens ? Je peux demander si l’espace entre les lettres ou les mots facilite sa lecture. Certains montrent de bonnes capacités d’introspection pour mieux comprendre la nature de leurs difficultés.
Les tâches de lecture de mots isolés, de phrases et de textes permettent d’obtenir des informations qualitatives. Différentes observations me permettent d’envisager des difficultés au niveau du traitement visuel. Par exemple, lorsque la lecture est excessivement lente, saccadée, je me questionne concernant l’empan visuoattentionnel. Mon doute augmente si j’observe d’autres indices. D’abord, si de mauvaises segmentations de mots s’ajoutent (ex. lire « animal » comme « an-imal »). De plus, si le jeune a tendance à « deviner » la fin des mots. Ou encore, si le jeune présente autant de difficultés à lire les mots que les non-mots. Ensuite, je porte particulièrement attention aux lectures de textes. J’observe si des sauts de ligne sont présents. J’analyse si le jeune lit en suivant les mots avec un doigt. Il s’agit d’une bonne stratégie que j’encourage. Toutefois, selon l’âge, elle peut constituer également un indicateur de difficultés. Finalement, la tâche de dénomination rapide automatisée peut indiquer des difficultés à suivre les items.
Mes recommandations aux parents
Je relève aux parents des difficultés possibles de traitement visuel si j’ai observé suffisamment d’indices. Parfois, ces observations confirment ou valident en partie la plainte initiale du client. Je reste prudente quant aux recommandations que j’indique aux parents. Au Québec, il est possible de recommander une évaluation en optométrie spécialisée en trouble d’apprentissage. J’informe les parents à ce sujet. Suite à une évaluation, l’optométriste peut recommander une rééducation. N’ayant pas suffisamment d’informations solides concernant les effets positifs au quotidien de ces rééducations, je demeure prudente. J’encourage aussi l’utilisation de stratégies. Comme utiliser son doigt, une règle de lecture. Lorsque possible, j’encourage l’espacement des mots ou phrases d’un texte. Finalement, lorsque pertinent, j’encourage l’utilisation de moyens technologiques. La synthèse vocale peut faciliter l’accès au contenu d’un texte.
Mes interventions
Consciente des limites scientifiques entourant les difficultés de traitement visuel, je planifie mes interventions avec prudence. Lorsque j’observe suffisamment d’indices fiables concernant les difficultés de traitement visuel, j’adapte certaines tâches lorsque cela est possible. Par exemple, en lecture de mots, de graphies, de syllabes, j’intègre des caractéristiques visuelles spécifiques. Il m’arrive aussi d’expérimenter avec le jeune l’utilité de certaines stratégies. Toutefois, pour m’assurer d’une base solide, j’intègre systématiquement dans ces activités des éléments bien établis. Par exemple, des habiletés de conscience phonologique ou des connaissances liées à la correspondance graphème-phonème. Cette approche équilibrée permet de maximiser les chances de réussite des interventions. En combinant des méthodes éprouvées et des approches innovantes, je respecte les preuves scientifiques disponibles. Mon objectif est d’offrir un soutien adapté au client tout en restant ancrée dans les pratiques reconnues scientifiquement.
Référence (optométrie spécialisée en trouble d’apprentissage). https://www.ooq.org/sites/default/files/2019-01/nc_consultation_relative_probleme_d_apprentissage.pdf
Livre De Brigitte Stanké abordant les troubles de traitement visuel https://www.puq.ca/catalogue/livres/les-dyslexies-dysorthographies-2943.html#:~:text=Les%20dyslexies%2Ddysorthographies%20sont%20un,société%20d’aujourd’hui.
Évaluer le trouble d’empan visuoattentionnel : https://www.happyneuronpro.com/orthophonie/espace-evaluation/evadys/
Découvrir ma démarche d’évaluation en orthophonie, intégrant les troubles visuoattentionnel: https://editionshorizons.com/produit/dcel/
Orthoptie en Europe : https://www.orthoptiste.pro/l-orthoptie/definition-de-l-orthoptie/#:~:text=L’orthoptie%20est%20une%20profession,nourrisson%20à%20la%20personne%20âgée.