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Comprendre le bilinguisme pour mieux cibler les besoins

Démystifier le bilinguisme

Pour accompagner les jeunes n’ayant pas le français comme langue maternelle, les intervenants doivent comprendre leur profil. Pour y arriver, il faut bien analyser le contexte dans lequel ces jeunes évoluent. Cela permet d’éviter de sur-identifier ou sous-identifier ceux qui présentent un trouble langagier. Tout d’abord, l’intervenant doit se questionner sur le type de bilinguisme. Celui-ci peut être simultané ou séquentiel. Lorsque deux langues sont acquises avant l’âge de 3 ans, il s’agit de bilinguisme simultané. Une exposition à deux langues entre 40 à 50 % du temps est optimale dans un bilinguisme simultané. Dans ce cas, la trajectoire du développement langagier oral et écrit devrait se rapprocher des jeunes monolingues. Quant au bilinguisme séquentiel, l’apprentissage de la seconde langue se réalise après l’âge de trois ans. Ceci occasionne un développement des habiletés langagières orales et écrites différentes des monolingues.

Enjeux influençant le développement des jeunes bilingues

La recherche relève qu’un niveau d’éducation élevé de la mère, un bon niveau socio-économique et de bonnes habiletés cognitives sont des facteurs favorables à l’apprentissage d’une langue seconde. La qualité de l’exposition, la motivation, l’implication socioaffective influencent le développement d’une langue seconde. Par exemple, une exposition riche, interactive et variée aux deux langues favorise le développement harmonieux du bilinguisme. Les aspects émotionnels et identitaires du bilinguisme jouent aussi un rôle clé. En effet, les attitudes familiales et sociétales influencent la motivation de l’enfant à utiliser les différentes langues. Enfin, certaines situations de vie peuvent ralentir ou limiter le développement langagier. Des parcours migratoires involontaires, un désintérêt constituent des facteurs de risque qui influencent le développement des jeunes. Il est crucial d’analyser le bilinguisme dans son contexte, sans comparer ces jeunes aux monolingues.

Les mythes entourant le développement des jeunes bilingues

Plusieurs mythes circulent dans la société concernant le bilinguisme. Tout d’abord, le bilinguisme ne cause pas de trouble de langage. Dans le monde, un certain pourcentage de personnes a un trouble développemental du langage ou une dyslexie-dysorthographie. Ce pourcentage est tout aussi applicable lorsqu’il s’agit de personnes bilingues. C’est donc dire qu’un certain nombre de jeunes en contexte de bilinguisme présente un trouble. Toutefois, il faut bien comprendre que le bilinguisme n’est pas la cause du trouble. Dans cette perspective, la valorisation de toutes les langues par l’entremise de bons modèles est recommandée. Pour des jeunes ayant des troubles de langage, utiliser plusieurs langues est reconnu comme une valeur ajoutée. Une exposition équivalente et engageante dans les différentes langues avec des modèles de qualité est cruciale. Abandonner la langue maternelle pour favoriser l’apprentissage de la langue d’enseignement est proscrit. Cela limite le développement cognitif, identitaire et affectif de l’enfant.

Repères de développement en bilinguisme simultané

L’enfant en contexte de bilinguisme simultané développe deux langues dès son plus jeune âge. Contrairement à une croyance fréquente, ce contexte ne retarde pas l’acquisition du langage. Globalement, les grandes étapes du développement langagier suivent des trajectoires similaires à celles des monolingues. Cela concerne autant l’apparition des premiers mots, la production de phrases simples que le développement du discours. Toutefois, les chercheurs documentent que le vocabulaire des deux langues est distribué entre les deux langues. Cela a comme impact que le vocabulaire est moins grand que celui des monolingues. Tandis qu’en considérant le vocabulaire développé dans les deux langues, la quantité devrait être équivalente aux monolingues. En période préscolaire, il est recommandé d’évaluer le vocabulaire dans les deux langues pour mieux apprécier les habiletés réelles d’un jeune. Si cela n’est pas possible, il faut être prudent, un écart par rapport au monolingue est attendu.

De plus, les contextes d’utilisation des langues peuvent entrainer des inégalités, elles aussi attendues. Prenons l’exemple d’un enfant exposé à une langue uniquement en milieu de garde. Il peut développer certains mots uniquement dans la langue seconde qui sont propres à ce contexte. Ces mots pourraient ne pas être connus dans la langue maternelle. 

Repères développementaux en bilinguisme séquentiel

Les trajectoires développementales sont beaucoup plus hétérogènes lorsqu’il s’agit de bilinguisme séquentiel. Cette situation complexifie davantage l’analyse des forces et des défis des jeunes en contexte d’apprentissage. Habituellement, plusieurs années d’exposition sont nécessaires pour atteindre des compétences comparables aux pairs monolingues en contexte scolaire. La recherche indique de 5 à 7 ans. Cela s’applique particulièrement aux habiletés, comme suivre des explications, comprendre des notions ou des textes. Un jeune qui apprend une langue seconde en classe prendra du temps pour réaliser ce type de tâches. Concernant les habiletés conversationnelles, il faut entre 1 à 3 ans pour développer des habiletés similaires aux monolingues. 

À cela s’ajoutent de nouvelles données qui indiquent que certaines difficultés langagières, malgré tout, peuvent persister. Les chercheurs distinguent la capacité à suivre le cursus scolaire et le développement des habiletés langagières.  Certains jeunes bilingues séquentiels peuvent présenter des difficultés qui persisteront. Par exemple, des difficultés grammaticales ou phonologiques pourraient ne pas se résorber. Dans un bilinguisme séquentiel tardif et exclusif au contexte scolaire, des particularités peuvent ressortir. Par exemple, un jeune pourrait présenter des lacunes ou des difficultés importantes avec le vocabulaire quotidien. En effet, le jeune a acquis ce vocabulaire dans la langue maternelle en période préscolaire. Toutefois, il ne sera pas nécessairement développé en contexte scolaire. Par contre, le vocabulaire scolaire dans la langue seconde peut se développer sans l’être dans la langue maternelle. Il est possible qu’un jeune possède plus de vocabulaire scolaire dans la langue seconde.

Interférences et phénomènes habituels en contexte bilingue

Les interférences sont fréquentes chez les bilingues séquentiels. Il faut comprendre qu’il n’y a pas d’inquiétude lorsque les difficultés relèvent de ces phénomènes. Premièrement, les personnes bilingues font du transfert lexical. Concrètement, ils empruntent des mots de vocabulaire de leur langue maternelle dans la langue seconde. Ils font aussi des erreurs de calque concernant la structure de phrases. Ils utilisent les règles syntaxiques de leur langue maternelle pour construire des phrases dans la langue seconde. Finalement, les phénomènes de « surdité et d’assimilation phonologique » sont très fréquents, particulièrement lorsque le bilinguisme est tardif. Ces phénomènes sont fréquents. Ils limitent le traitement des sons de la langue seconde qui sont absents dans la langue maternelle. Chez les jeunes enfants, ces phénomènes diminuent habituellement avec l’exposition accrue et le raffinement des systèmes linguistiques. Pour les plus âgés, ces phénomènes peuvent perdurer. 

Identifier un trouble de langage en contexte bilingue

Distinguer les manifestations typiques du bilinguisme des erreurs qui pourraient relever d’un trouble est important. Comme mentionné précédemment, les jeunes bilingues peuvent présenter un trouble. Les intervenants doivent rechercher un juste équilibre concernant l’analyse de leur situation. En effet, la recherche rapporte que ces jeunes sont fréquemment sur-identifiés ou sous-identifiés. Pour éviter cela, les intervenants doivent considérer une multitude d’informations. D’abord, il faut considérer les éléments contextuels, analyser les types erreurs et les difficultés présentes. Une lenteur d’acquisition de la langue seconde est un indice important à prendre en compte. De plus, des erreurs qui dépassent les phénomènes « attendus » le sont également. Finalement, la présence de difficultés dans la langue maternelle ou un historique familial de trouble ne doivent pas être négligés. Bien certainement, les intervenants doivent favoriser la progression et l’intégration de ces jeunes. Et cela, peu importe la nature des défis rencontrés.

Découvrir la formation de Brigitte Stanké le 25 septembre 2025, en direct : https://editionshorizons.com/produit/lapprentissage-de-lorthographe-lexicale-en-francais-chez-les-jeunes-apprenants-du-primaire-ayant-ou-non-le-francais-comme-langue-maternelle-2/

Découvrir la formation d’Audrey Fortin, le 21 novembre 2025, en direct : https://editionshorizons.com/produit/mieux-comprendre-le-bilinguisme-pour-mieux-intervenir/

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