Le diagnostic du TDL selon Catalise
L’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec oblige les orthophonistes à se référer aux travaux de CataliseREF pour diagnostiquer le trouble développemental du langage (TDL) à l’âge scolaire. Ce consensus scientifique international récent modifie radicalement le processus diagnostique des orthophonistes. Avec une nouvelle conceptualisation du trouble développemental du langage, Catalise simplifie le processus d’évaluation orthophonique. Les cliniciens sont amenés à utiliser des critères plus flexibles, mais tout aussi rigoureux. Ce nouveau cadre de référence modifie la conception du TDL et exige des repères d’évaluation différents. Parmi les changements clés, la prise en compte des impacts fonctionnels est indispensable pour diagnostiquer. Utiliser de nouveaux critères pour diagnostiquer le TDL exige que les cliniciens en abandonnent d’autres. Cet article explore ces nouvelles lignes directrices et leurs conséquences pratiques en orthophonie auprès de jeunes d’âge scolaire. J’y partagerai également mes réflexions et expériences professionnelles.
L’âge d’apparition des difficultés: un repère facultatif pour diagnostiquer le trouble développement du langage (TDL) à l’âge scolaire
Un des repères longtemps utilisés en orthophonie pour identifier un TDL est l’apparition des difficultés en période préscolaire. Sans inquiétude de la part des parents ou sans consultation en bas âge, une orthophoniste pouvait difficilement identifier une dysphasie, terme anciennement utilisé pour le TDL. Toutefois, ce repère n’a plus autant d’importance. ArchibaldREF qui est au cœur de Catalise, documente des profils de jeunes dont le TDL apparait tardivement. Des atteintes langagières plus légères ou d’autres touchant spécifiquement le langage complexe peuvent émerger durant la période scolaire. Elles peuvent apparaitre au primaire, au secondaire ou au collégial. Les jeunes adolescents ou adultes que j’identifie tardivement m’impressionnent. Ils ont composé, souvent en déployant des stratégies remarquables, avec le TDL sans que le trouble ait été identifié. Dès que j’évalue la dyslexie, je demeure à l’affût de difficultés langagières potentielles. En posant les bonnes questions et en utilisant les bons tests cliniques, il est possible d’éviter les faux négatifs.
Le suivi orthophonique : un repère facultatif pour diagnostiquer le TDL
Catalise définit le TDL comme « des difficultés langagières persistantes qui occasionnent des impacts suffisamment importants sur les relations sociales, les apprentissages et la réussite éducative ». Il est crucial de bien définir le terme « persistantes » dans cette définition. En effet, il signifie que les difficultés langagières sont observées sur une longue période de temps. C’est donc dire que les difficultés ne doivent pas être momentanées ou ponctuelles. Ce terme n’exige donc pas qu’un suivi orthophonique ait été offert pour diagnostiquer un TDL. En utilisant l’ensemble des données de l’évaluation, la recherche recommande de conclure si celles-ci sont compatibles avec le TDL. Si un jeune a eu un suivi orthophonique, la persistance des difficultés malgré le suivi constitue un repère sécurisant. Toutefois, l’absence de suivi en orthophonie ne doit pas conduire à une « hypothèse de TDL ». Si les résultats sont compatibles avec les critères de Catalise, l’orthophoniste doit conclure à un TDL.
Les autres repères facultatifs pour diagnostiquer le TDL
D’autres repères autrefois utilisés pour diagnostiquer le trouble développemental du langage (TDL) à l’âge scolaire ont également évolué. Plus spécifiquement, il y a l’écart entre habiletés verbales et non verbales, la sévérité, les dimensions atteintes et les résultats normalisés. D’abord, l’écart entre les habiletés cognitives verbales et non verbales n’est plus d’actualité. En effet, un orthophoniste peut conclure au TDL en ce qui concerne un jeune ayant un profil cognitif « frontière ». De plus, les atteintes langagières peuvent être légères, et même être entre la limite inférieure et la basse moyenne. Selon moi, autrefois, les orthophonistes étaient appelés à identifier le TDL sous sa forme la plus sévère. Le principe demeure le même concernant les dimensions langagières atteintes. Maintenant, une ou deux dimensions langagières peuvent être atteintes pour conclure à un TDL. Il m’arrive de rencontrer des jeunes dont le vocabulaire est préservé alors que la morphosyntaxe est atteinte. Catalise oblige donc la considération de différents profils.
D’un autre côté, Catalise complexifie l’identification du TDL en ne recommandant pas de s’appuyer uniquement sur des résultats normalisés. En effet, des performances fragiles ou même dans la basse moyenne peuvent aussi révéler un TDL. Ce type de résultat nécessite une analyse approfondie de la manière dont le jeune réalise les tâches. Les efforts excessifs, le stress visible, l’utilisation de stratégies compensatoires ou encore la fatigue sont des indices précieux. Ces observations qualitatives permettent de mieux cerner le profil langagier, même si les scores standardisés ne sont pas alarmants. La considération de ces informations complète la simple analyse des résultats normalisés. Cela permet de mettre en lumière des indices de TDL qui peuvent passer inaperçus. À l’inverse, Catalise évoque également que certains résultats sous les normes ne conduisent pas toujours au diagnostic de TDL. Dans ce cas, l’orthophoniste doit être en mesure de bien comprendre et d’expliquer d’où viennent les résultats faibles.
Le trio essentiel pour diagnostiquer le trouble développemental du langage (TDL) à l’âge scolaire
Afin d’assurer un processus d’évaluation rigoureux, je m’appuie sur trois éléments clés lorsque j’évalue des jeunes d’âge scolaire. J’utilise les résultats normalisés, les observations recueillies pendant l’évaluation ainsi que les impacts fonctionnels perçus et vécus. En m’assurant de bien les combiner, cela me permet d’obtenir un portrait cohérent du jeune. Parmi les tests normalisés, certains sont plus déterminants. Entre autres, la recherche documente la répétition de non-mots et la répétition de phrases. Pendant la passation des tests, je porte une attention particulière à la façon dont le jeune réalise les tâches. Je m’informe également sur son niveau de fatigue après les rendez-vous. Les impacts fonctionnels me permettent de valider mes observations et résultats normalisés. J’utilise l’OCIF REF en validant les informations dont j’en retire avec le jeune et les parents. Mettre en commun ces trois éléments me permet de diagnostiquer avec confiance, particulièrement avec les profils légers ou complexes.
La dyslexie-dysorthographie (DD) chez un jeune ayant un TDL
Lorsque l’orthophoniste évalue des jeunes d’âge scolaire, cela inclut souvent l’évaluation des habiletés de lecture et d’écriture. Selon les travaux de Catalise, il est possible de diagnostiquer à la fois un TDL et une DD. Cette comorbidité est très fréquente selon mon expérience clinique, voire habituelle. Pour m’aider à déterminer si un jeune ayant un TDL a également une DD, j’utilise certains repères. Plus concrètement, je m’attends à ce que le TDL ait des impacts sur la lecture et l’écriture. Par exemple, en lecture, la vitesse ou la précision pourrait être atteinte légèrement. En écriture, des erreurs phonologiques, de construction de phrases, de grammaire ou un vocabulaire limité risquent d’être présents. Ce type de difficultés découleraient logiquement d’un TDL. Pour ajouter le diagnostic de DD, la mémoire lexicale orthographique atteinte ou une lecture sévèrement atteinte constituent mes repères cliniques. À ceux-ci s’ajoutent bien certainement les marqueurs cognitifs de la DD.
Le TDL : un continuum de profils
Le TDL se présente donc comme un continuum de difficultés. Les atteintes peuvent être réceptives ou expressives. La nature et la sévérité des atteintes varient largement selon les personnes. Ces difficultés et leurs impacts varient également selon la perception des gens, les attentes et l’environnement. Certains jeunes manifestent des difficultés langagières dès la petite enfance. Tandis que pour d’autres, les défis apparaissent plus tard. Chaque profil de TDL est unique. Le défi pour moi est de rendre accessible et le plus clair possible ce profil langagier unique. Pour y parvenir, je synthétise l’information de la façon la plus simple tout en faisant des liens avec le vécu du jeune. Les situations difficiles rapportées permettent de faire des liens entre la théorie et la pratique. De plus, il m’apparait crucial d’identifier les forces et les facteurs de protection favorables au développement du jeune. Cela est tout aussi important de les relevées que discuter des difficultés vécues.
Autre blogue en lien avec le sujet :
Audrey Fortin: https://editionshorizons.com/les-impacts-fonctionnels/
Catalise : https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/jcpp.12721
Lisa Archibald : https://www.ooaq.qc.ca/espace-membres/contenus-professionnels/boite-outils-trouble-developpemental-langage-dld-toolbox/#autres-articles-evaluation
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