La richesse d’œuvrer en milieu scolaire offre un contact avec les enseignants et le jeune. À mon sens, chaque demande d’évaluation constitue une opportunité pour discuter avec les personnes qui cherchent à aider, souvent des enseignants, des intervenants ou des directions. Avant même de répondre à la demande d’évaluation telle qu’on la formule généralement, il est nécessaire de changer de posture, en adoptant une position de questionnement et de recherche de solutions : pourquoi souhaite-t-on une évaluation en orthophonie? À quoi servira cela? Que peut-on dire à propos du jeune, de ses forces et de ses défis? Quels sont ses travaux, plans d’intervention et bulletins? Quelles aides ont été mises en place? Quelle est la vision des parents, des enseignants et des intervenants?
Avant de répondre à la demande initiale d’évaluation, un accompagnement s’amorce donc. La situation est prise en considération. Souvent, des échanges, des analyses de situations et des pistes de solutions suffisent à soutenir les enseignants dans leur enseignement, sans même qu’une évaluation ne soit effectuée ni même que le jeune soit rencontré en orthophonie.
Cette approche assure une présence dans le milieu, permet d’influencer les pratiques pédagogiques et de répondre à un plus grand nombre de demandes. Très souvent, cette approche répond aux besoins des gens sans utiliser le moyen traditionnel « d’évaluer ». La décision d’évaluer devient une décision commune entre moi et les personnes impliquées. Lorsque l’évaluation orthophonique constitue un moyen pour répondre aux besoins et qu’elle aura des impacts significatifs sur le parcours d’un jeune, cette option est valable, mais pour en arriver à cette décision, la situation a été discutée et analysée.
Le contexte de la clinique privée est très différent du monde de l’éducation qui nécessite des ajustements importants. D’abord, l’accès aux intervenants et aux informations scolaires est plus restreint et le suivi possible avec le milieu et les intervenants aussi. En clinique privée, les clients sont les parents qui souhaitent comprendre les difficultés de leur enfant afin d’obtenir de l’aide.
Dans ce contexte, le moyen qui m’apparait le plus approprié pour comprendre la situation et guider les interventions est l’évaluation orthophonique complète.
Les enjeux entrainant des difficultés scolaires chez les jeunes peuvent être complexes ou multifactoriels. Lorsque la plainte initiale du client est l’hypothèse d’une dyslexie, mon évaluation n’est pas restreinte à devoir identifier la dyslexie. En effet, par un processus d’évaluation stratégique et flexible, il est possible de débuter l’évaluation tout en gardant à l’esprit que des difficultés de langage ou d’attention, avérées ou non, peuvent avoir un impact sur les apprentissages de l’apprenant même s’il ne s’agit pas de la plainte initiale.
En procédant de cette façon, l’évaluation s’ajuste et se confirme au fur et à mesure qu’elle progresse tout en documentant la nature, les causes et les impacts fonctionnels afin d’entrevoir d’autres difficultés : est-ce possible que ce soit un trouble développemental ou un TDA, avec ou sans dyslexie-dysorthographie? Est-ce que l’« effet Mathieu » a fait ses ravages sur le traitement du langage complexe chez ce jeune? D’entrée de jeu, tout est possible.
Cette perspective s’est renforcée depuis que j’ai intégré les concepts et connaissances scientifiques du consensus scientifique CATALISE sur le trouble développemental du langage (TDL). En effet, le TDL n’est pas que la dysphasie sévère anciennement identifiée. Le trouble peut être beaucoup plus léger et circonscrit à certaines composantes langagières. Ces mêmes difficultés de langage oral peuvent se manifester tardivement, notamment à l’adolescence, sans être évidentes pour l’entourage.