Il serait intéressant de penser que d’agir sur les différentes causes liées à la dyslexie et la dysorthographie règlerait les difficultés de lecture et d’écriture. Ce raccourci intellectuel ne s’applique toutefois pas à tous les marqueurs cognitifs qui contribuent à l’identification du trouble.
Concernant les causes liées au traitement phonologique, seule l’intervention portant sur la conscience phonologique est reconnue comme ayant un impact sur le développement des habiletés en lecture et en écriture.
Développer un programme préventif portant uniquement sur l’accès au lexique phonologique ou sur la mémoire phonologique pour réduire les difficultés de lecture et d’écriture ne constitue donc pas un investissement rentable et pertinent. Malgré ces recommandations, ces habiletés peuvent et doivent être travaillées indirectement en contexte. Par exemple, un programme de conscience phonologique ou des activités de décodage et d’encodage en lecture de syllabes ou de mots impliquent de façon plus ou moins importante la mémoire phonologique ou l’accès au lexique phonologique selon la complexité des tâches.
Dans un autre ordre d’idée, développer un programme pour développer l’accès au lexique phonologique ou l’accès lexical n’est pas reconnu comme ayant un impact sur les habiletés en lecture ou en écriture. Toutefois, ce type de programme ou d’activité constitue des objectifs pertinents pour travailler l’accès lexical ou pour développer des stratégies compensatoires. Le blog « Intervenir en accès lexical : quoi faire et quels mots choisir pour maximiser les résultats ? » de Marie-Pier Gingras et de Vincent Bourassa Bédard, orthophonistes et étudiants au doctorat, sur le site web Tout cuit dans le bec, offre des pistes d’intervention pertinentes.
L’intervention portant sur la conscience phonologique est scientifiquement reconnue depuis de nombreuses années. Ces recommandations toujours d’actualité ont toutefois évolué avec le temps. À ce jour, pour les enfants de maternelle, la recherche recommande de :
1- Développer la conscience phonémique en faisant un enseignement explicite, sans nécessairement passer par la rime ou par la conscience phonologique portant sur les syllabes;
2- Graduer les tâches de conscience phonémique. Par exemple, identifier et segmenter un son en début ou en fin de mot, segmenter et fusionner les sons afin de se rapprocher de la lecture et l’écriture;
3- Utiliser et manipuler les graphies des mots écrits pendant les tâches de conscience phonologique afin de développer les liens entre l’oral et l’écrit
Dans cette perspective, la reconnaissance des lettres et la capacité de les nommer favorisent le développement de la conscience phonologique et les habiletés de lecture et d’écriture au début des apprentissages. De plus cette habileté à nommer et reconnaitre les lettres constitue une base pour le développement des habiletés en production de mots écrits.
Bien que l’activité de conscience phonémique ne vise pas spécifiquement le développement de la mémoire phonologique, les activités de fusion et de segmentation de phonèmes entrainent cette habileté cognitive importante tout comme lorsqu’on développe la capacité à lire et à écrire des mots en utilisant les correspondances lettres-sons et sons-lettres. De plus, la complexité des structures syllabiques, la longueur des mots, le choix des phonèmes et l’emplacement de ceux-ci dans les mots sélectionnés autant en lecture et écriture qu’en conscience phonologique permettent de travailler de façon plus ou moins importante la mémoire phonologique.
Les travaux de recherche portant sur le traitement visuel ne sont pas aussi étoffés que ceux portant sur le traitement phonologique. À ce jour, les informations recueillies et présentées ne permettent pas d’établir qu’un programme d’intervention visant spécifiquement le traitement visuel constitue une intervention reconnue comme efficace.
En intervention auprès d’un jeune pour qui des difficultés de traitement visuel sont présentes ou soupçonnées, il est possible d’apporter une dimension visuelle dans des tâches de décodage, d’encodage ou de conscience phonologique afin de bonifier ou d’insister sur la composante visuelle.
Souvent associés aux difficultés à retenir l’orthographe des mots en situation d’écriture, différents moyens sont reconnus pour soutenir le développement de l’orthographe à l’écrit. Les programmes d’intervention ne visent pas spécifiquement à développer la récupération ou l’accès au lexique orthographique ou uniquement la mémorisation de l’orthographe de mots, ils intègrent généralement des stratégies et des connaissances pour faciliter la mémorisation.
D’abord, l’automatisation du geste graphomoteur est essentielle. L’automatisation permet d’écrire rapidement et précisément les lettres avec un mouvement spécifique. Le développement du geste graphomoteur doit être travaillé avec des lettres isolées, mais également au niveau des graphies (ex. ou, ain), des syllabes (ex. tre, car), des morphèmes (ex. ette, ment) ainsi que des mots. Le rapport de recherche québécois du CTEQ de 2018 donne des pistes pertinentes pour intégrer le développement du geste graphomoteur dans les interventions en classe qui s’intègrent bien en intervention.
D’autres interventions misant sur la conscience morphologique, l’apprentissage des régularités orthographiques ou la méthode visuo-sémantique constituent des pistes intéressantes à envisager. Marie-Catherine St-Pierre, chercheure à l’Université Laval et orthophoniste, propose une intervention dans un rapport de recherche portant sur la conscience morphologique et les habiletés en orthographe. Brigitte Stanké contribue également au développement des connaissances avec le rapport de recherche : Nouvelle approche basée sur un enseignement orthographique favorisant l’apprentissage de la production écrite et de l’orthographe lexicale des élèves faibles orthographieurs de 3e année du primaire.
De plus, une équipe de recherche en orthophonie et en éducation a développé ÉQOL, une base de données lexicales de 15 000 mots issus de manuels scolaires que les élèves du primaire lisent fréquemment. De ces 15 000 mots, 1 200 ont été utilisés pour développer une échelle québécoise d’acquisition de l’orthographe lexicale (ÉQOL). Concrètement, cela signifie que cette banque de données fournit les mots qui devraient être acquis par un nombre suffisant d’élèves pour différents niveaux scolaires. En intervention, le doute quant au choix des mots à travailler pour développer les compétences orthographiques pourra être réduit en utilisant ces informations précieuses issues de la recherche.
Le développement des correspondances graphèmes-phonèmes et phonèmes-graphèmes constitue généralement un objectif central lorsque vient le temps d’accompagner les jeunes dyslexiques et dysorthographiques.
Afin d’ajuster et de cibler des objectifs plus spécifiques liés à ces compétences, l’intervenant doit déterminer les acquis et les défis du jeune pour cibler ses objectifs d’intervention. S’appuyant sur les compétences développées pour favoriser l’apprentissage de nouvelles connaissances, une analyse des forces et des difficultés d’un apprenant permet de déterminer les habiletés de CGP et CPG développées pour améliorer celles lacunaires ou déficitaires. Sprenger-Charolles a proposé dans un article de 2017 une progression pédagogique pour les lecteurs débutants et atypiques qui facilite l’analyse et la prise de décision de l’intervenant.
La correspondance graphème-phonème (CGP) peut être développée isolément en sélectionnant judicieusement deux ou trois CGP. Ces cibles d’apprentissage seront présentées dans différents contextes en utilisant des syllabes et des mots. À un certain stade, il est possible d’intégrer ces apprentissages dans des contextes plus exigeants, par exemple en lecture de phrases. Ensuite, dans d’autres tâches, intégrer plusieurs CGP et CPG de façon aléatoire favorise le transfert des apprentissages. Le choix des CGP et CPG à travailler selon des contextes plus ou moins facilitants est une habileté primordiale que l’orthopédagogue ou l’orthophoniste doit exploiter pour optimiser l’impact des interventions.
Toujours selon l’article de Sprenger-Charolles, le choix des graphèmes doit également être réfléchi. Les graphies contenant une seule lettre (ex. a, p, u) et ayant une seule correspondance lettre-son/son-lettre (ex. p, v, a, i) faciliteront le développement des habiletés de base en lecture et en écriture. Ensuite, d’autres graphies contenant deux graphies (ex. an, un, ou) pourront s’ajouter et finalement des graphies contenant trois lettres (ex. ain, han). En augmentant le nombre de lettres dans les graphies travaillées, l’intervention se rapproche d’un travail portant sur la morphologie (ex. ette, euse) ou d’une intervention plus spécifique portant sur les graphies complexes qui inclut généralement plus d’un phonème (ex. aille, ien, oin, eur). Le choix des mots utilisés et la familiarité du jeune avec les mots présentés auront également un impact sur la performance. Les graphies ayant plusieurs sons associés selon le contexte (ex. « s » dans salon et poison, « c » dans cadeau et cigale, « g » dans garage et girafe ou « e » dans efface ou arbre) constituent des particularités du français qui nécessitent la connaissance et l’utilisation à des règles graphotactiques du français, complexifiant ainsi leur utilisation. Pour en faciliter l’apprentissage, il est judicieux de présenter ces graphies (c, g et e) associées au son le plus fréquent ou simple (respectivement k, gu et e) et éventuellement, intégrer les autres sons associés à ces graphies (respectivement, s, j et é/è).
Les tâches de CGP présentées dans un contexte de lecture de syllabes ou de mots impliquent nécessairement la mémoire phonologique et de fusion phonologique, ce qui peut augmenter les difficultés d’un jeune. La gradation des structures syllabiques ainsi que la longueur des mots choisis auront un impact sur la performance. En écriture, la discrimination auditive, la mémoire phonologique et la capacité à segmenter les phonèmes sont hautement sollicitées lors de tâches de CPG. La gradation des structures syllabiques et de la longueur des mots contribuera à augmenter ou réduire le niveau d’exigences de la tâche.
En plus de bien contrôler tous ces éléments, l’intervenant doit présenter explicitement comment décoder et encoder les mots tout en s’assurant de proposer des tâches favorisant l’intérêt et la motivation de l’apprenant.
La fluidité en lecture vise à développer la capacité de reconnaitre rapidement et efficacement les mots en lecture. La fluidité augmente l’automatisme en lecture et favorise la compréhension de l’information lue. Toutefois, développer la fluidité ne suffit pas pour développer la compréhension en lecture qui devra être elle-même un objectif d’intervention s’il s’agit d’un besoin pour l’apprenant. L’équipe de recherche ADEL de l’UQAM a développé une plateforme offrant des activités et des informations pertinentes concernant la fluidité en lecture.
Certaines compétences en lecture constituent des objectifs pertinents et reconnus scientifiquement. De façon non exhaustive, la recherche rapporte la pertinence d’enrichir le vocabulaire, l’utilisation de stratégies, la connaissance de la structure des textes ainsi que la capacité à résumer et à identifier ses incompréhensions par un enseignement explicite.
Concernant le développement du vocabulaire, l’apprentissage est favorisé entre autres par l’exposition répétée aux mots et l’utilisation de ces mêmes mots dans différents contextes. L’intervenant doit donc créer des situations d’apprentissage pour favoriser ces répétitions et ces utilisations variées. De plus, le vocabulaire du français est riche et nuancé et la sensibilité au langage complexe est centrale dans l’accompagnement en compréhension de textes. Dès l’âge de 6 ans, la sensibilité aux mots polysémiques (ex. il vole dans le ciel/il vole un œuf, il fait froid/ce garçon est froid), aux toponymes (ex. chuchoter/parler/crier), aux homonymes (ex. amande/amende), aux hyperonymes et aux homonymes (ex. mammifère/félin/chat/siamois) se développe. L’enfant devient de plus en plus conscient des expressions ou des métaphores (ex. cet homme d’affaires est un requin). L’UQAC a développé une communauté de recherche lexicale afin de soutenir les enseignants dans le développement du vocabulaire tel que les synonymes, les antonymes, les mots de même famille et les mots thématiques.
Concernant l’utilisation de stratégies, plusieurs ressources québécoises récentes offrent des informations fiables et scientifiquement appuyées pour intervenir de façon adéquate. Le CTREC offre des informations et des outils pratiques sur leur site web pour favoriser l’apprentissage explicite des stratégies en compréhension de textes ainsi que le groupe de recherche ADEL qui offre des outils pratiques concernant le développement de stratégies de la 4e à la 6e année du primaire.
ADEL propose également des activités pédagogiques permettant de développer davantage la conscience et la connaissance de la structure de textes impliquant différents liens logiques entre les informations.