Définition de la dyslexie et dysorthographie

dyslexie et dysorthographie

La dyslexie et la dysorthographie selon le DSM-5

Selon le DSM-5, publié en 2015 et rédigé par l’Association Américaine de Psychiatrie (APA), la dyslexie et la dysorthographie ne constituent plus une catégorie en soi. Elles se retrouvent dans la catégorie des troubles spécifiques des apprentissages, eux-mêmes faisant partie de la grande catégorie des troubles neurodéveloppementaux. Dans la liste des troubles neurodéveloppementaux figurent entre autres le TDA, le trouble du spectre de l’autisme et le trouble de langage. Le DSM-5 précise qu’il est nécessaire pour statuer sur un trouble spécifique des apprentissages d’observer des :

 

1- Difficultés à apprendre et à utiliser des compétences scolaires ou universitaires, comme en témoigne la présence d’au moins un des symptômes suivants ayant persisté pendant au moins 6 mois, malgré la mise en place de mesures ciblant ces difficultés :

  • lecture des mots inexacte ou lente et réalisée péniblement
  • difficulté à comprendre le sens de ce qui est lu
  • difficulté à épeler
  • difficulté d’expression écrite
  • difficulté à maîtriser le sens des nombres, les données chiffrées ou le calcul
  • difficulté avec le raisonnement mathématique
 

À lui seul, le terme « trouble spécifique des apprentissages » proposé dans le DSM-5 n’est pas suffisant lorsqu’une conclusion de dyslexie et dysorthographie s’impose. En effet, cette appellation inclut également la dyscalculie, le trouble développemental du langage ou le trouble d’attention s’ils ont des impacts sur la compréhension en lecture.

Afin d’éviter la confusion, qualifier et préciser la nature des difficultés observées constituent une alternative cruciale lorsqu’on utilise les repères du DSM-5. En effet, documenter la nature des difficultés permet de mieux comprendre les défis et ainsi, ajuster l’intervention et les recommandations.

Par exemple, en lecture, il ne suffit pas de documenter des difficultés, mais d’indiquer si l’identification de mots écrits est problématique au niveau de la vitesse ou de la précision. Ensuite, il est essentiel de documenter les habiletés en compréhension en lecture. Dans le cas où ces dernières s’avèrent atteintes, il faut clarifier si la lenteur ou les erreurs en identification de mots les expliquent totalement ou partiellement. Dans le cas où les difficultés de compréhension sont présentes, mais ne peuvent pas être expliquées totalement par les difficultés en lecture, il est impératif de comprendre comment cela s’explique. Est-ce qu’il y a un trouble développemental de langage sous-jacent ou un déficit d’attention?

En écriture, les mêmes questions doivent être soulevées : est-ce que la production de mots écrits est problématique au niveau de la vitesse et de la précision? Qu’est-ce qui est problématique exactement? Le geste graphomoteur, le questionnement concernant l’orthographe, les confusions phonologiques, le respect des sons dans les mots? Est-ce que la production de textes est atteinte? Est-ce que les difficultés de production de mots expliquent entièrement ou partiellement les difficultés de textes de production de textes? Si les difficultés de production de textes sont présentes, mais ne peuvent être expliquées uniquement par les difficultés en production de mots, comment peut-on les expliquer? Est-ce qu’il y a un trouble développemental de langage sous-jacent? Un déficit d’attention?

De plus, une partie de ce premier critère établi dans le DSM-5 peut être interprétée de façon très différente d’un intervenant à l’autre, d’un milieu à l’autre ou d’un contexte à l’autre. D’abord, qu’est-ce qu’une mesure acceptable? Est-ce l’accompagnement personnalisé en classe, la présence et la stimulation soutenue des parents à la maison, le suivi en orthopédagogie ou en orthophonie?

À la lecture de diverses références et de l’écoute de différentes formations, l’évolution des connaissances scientifiques portant sur les troubles neurodéveloppementaux oriente les intervenants à prendre position sur la présence d’un trouble sans qu’il y ait d’exigences de suivi régulier en orthophonie ou en orthopédagogie. Ces suivis sont souvent riches en information et constituent des arguments complémentaires intéressants à documenter, mais ils ne sont pas obligatoires ni nécessaires. Bien certainement, certains marqueurs sont toutefois essentiels à relever, dont la persistance des difficultés. Cet élément nécessite que l’intervenant recueille des informations qui confirment que les difficultés ne sont pas ponctuelles, momentanées ou circonstancielles. L’historique des difficultés constitue une bonne ressource pour documenter la persistance : plan d’intervention, bulletin et travaux fournissent de précieuses informations. Souvent, le témoignage des parents et du jeune dans son engagement scolaire en dit long sur la situation. Le contexte de la clinique privée permet de ressortir cette dimension de façon souvent plus évidente qu’en milieu scolaire. Les heures passées à étudier, le stress devant les évaluations, la perception du jeune sur sa situation ou encore sa motivation sont des éléments précieux à considérer. Si des bilans de suivi en orthopédagogie et en orthophonie s’ajoutent, ce sont d’excellents compléments qui renforcent la persistance.

2- Les compétences scolaires ou universitaires perturbées sont nettement au-dessous du niveau escompté pour l’âge chronologique du sujet, et ce de manière quantifiable. Cela interfère de façon significative avec les performances scolaires, universitaires ou professionnelles, ou avec les activités de la vie courante, comme le confirment des tests de niveau standardisés administrés individuellement ainsi qu’une évaluation clinique complète. Pour les individus âgés de 17 ans et plus, des antécédents avérés de difficultés d’apprentissage perturbantes peuvent se substituer à une évaluation standardisée.

Premièrement, ce second critère implique des exigences importantes pour les cliniciens. D’abord, les atteintes doivent être quantifiées afin de démontrer que le jeune performe beaucoup moins que la moyenne. Le DSM-5 précise qu’il faut au moins un résultat à un test standardisé qui situe le jeune à -1,5 écart-type (7e rang) ou moins. Dans la pratique, ce critère ne constitue pas une règle absolue. Chaque batterie de tests aide à identifier les troubles en établissant des critères et balises spécifiques. Personnellement, ayant le souci de comprendre la nature des difficultés, plusieurs tests sont indispensables. D’autres références portant sur différents troubles relèvent que certains jeunes peuvent relativement bien performer lors de la passation de tests, mais le temps ou la façon dont les tâches sont réalisées peuvent fournir des informations importantes concernant la présence d’un trouble. L’orthophoniste Corinne Boutard, auteure de nombreux ouvrages et tests standardisés chez Ortho Edition, a été l’une des premières orthophonistes à s’intéresser aux adolescents.

Malgré les recommandations du DSM-5 chez les jeunes de 17 ans et plus, compte tenu des exigences administratives dans les collèges et universités et afin de bien cerner le profil de l’étudiant, une évaluation complète est préférable et le seul historique n’est pas suffisant pour conclure à la nature du trouble.

Deuxièmement, ce critère implique une évaluation complète pour en arriver à une conclusion : histoire de cas, utilisation de tests normalisés et observations.

Troisièmement, les impacts fonctionnels prennent de plus en plus de place dans la communauté scientifique et le DSM-5 participe à cette évolution. Les impacts fonctionnels correspondent aux manifestations d’un trouble au quotidien, que ce soit dans les activités de la vie courante, professionnelle ou scolaire. Pour les comprendre et mieux cibler les recommandations et les interventions, il est important de bien documenter ces impacts fonctionnels et de les valider auprès de la ou les personnes concernées. Cette étape est importante dans mon processus d’évaluation et parfois, celle-ci me permet de prendre une décision concernant la conclusion à poser. Le défi des impacts fonctionnels est de bien documenter les situations problématiques tout en gardant en tête tout ce qui peut expliquer ou causer ces difficultés et d’en faire un tout cohérent avec les observations et résultats aux tests standardisés.

3- Les difficultés d’apprentissage débutent au cours de la scolarité, mais peuvent ne pas se manifester entièrement tant que les demandes concernant ces compétences scolaires ou universitaires altérées ne dépassent pas les capacités limitées du sujet (p. ex. lors d’examens chronométrés, de la lecture ou de la rédaction de rapports longs et complexes dans un délai bref, d’une charge de travail intellectuel excessivement lourde).

Avec ce troisième critère, le DMS-5 ajoute une autre nuance importante : le moment d’apparition des difficultés. Dans cette perspective, il est donc possible que les impacts d’un trouble des apprentissages apparaissent uniquement à l’adolescence ou à l’âge adulte lorsque les tâches deviennent complexes, longues et chargées en contenu. Il n’est pas impossible que l’apprenant ait réussi à composer avec ses défis sans recours à des mesures d’aide durant une partie, courte ou longue, de son parcours académique. Ce critère enlève un poids au clinicien qui évalue des adolescents ou des adultes : il n’est pas nécessaire qu’une évaluation antérieure ait émis une hypothèse de trouble ou une conclusion pour en arriver à cette conclusion de dyslexie dysorthographie. Il est également possible que la plainte du jeune soit tardive puisqu’il « composait » avec ses difficultés. Cliniquement, certains jeunes sont en mesure de rapporter clairement leur situation, ils « font avec leurs difficultés » depuis longtemps alors que d’autres ne le réalisent pas nécessairement.

4- Les difficultés d’apprentissage ne sont pas mieux expliquées par un handicap intellectuel, des troubles non corrigés de l’acuité visuelle ou auditive, d’autres troubles neurologiques ou mentaux, une adversité psychosociale, un manque de maitrise de la langue de l’enseignement scolaire ou universitaire ou un enseignement pédagogique inadéquat.

Ce quatrième élément apporte une dernière nuance importante : une conclusion trop hâtive ne doit pas être tirée de dyslexie si un jeune présente un des troubles mentionnés ci-haut ou si des indices permettent de soupçonner leur présence. 

Concernant l’adversité psychosociale ou un enseignement inadéquat, personnellement, il est nécessaire d’éliminer la présence de situations familiales (ex. décès, traumatisme) ou scolaires (ex. absentéisme élevé) non propices qui aurait pu empêcher les apprentissages.
Finalement, la situation d’un jeune qui est scolarisé en français alors qu’il ne maitrise pas ou peu la langue a nécessairement des impacts sur ses apprentissages de la lecture et de l’écriture. L’intervenant doit se questionner concernant l’impact attendu de la situation spécifique du jeune en la comparant à sa situation réelle. Par exemple, selon l’exposition à l’oral et à l’écrit en français, devrait-on s’attendre à une meilleure acquisition? Quelles sont les différences entre ce qui pourrait être attendu et ce qui est observé? Est-ce que l’écart entre ces deux éléments est important? Considérer l’âge auquel le jeune a débuté l’apprentissage du français, sa scolarité antérieure ainsi que son intégration sociale et culturelle constituent également des situations particulières qui influenceront l’analyse de la situation.

La dyslexie selon l’Association Internationale de la Dyslexie (IDA)

Selon l’IDA, la dyslexie est un trouble spécifique des apprentissages ayant une origine neurobiologique. Elle se caractérise par des difficultés de reconnaissance précise ou fluide des mots et par de faibles capacités d’orthographe et de décodage (traduction libre).

Tout comme le DSM-5, la précision et la vitesse constituent des éléments essentiels à prendre en compte lors de l’évaluation des habiletés à identifier et à produire des mots écrits.

 

5- Ces difficultés s’expliquent généralement par un déficit de la composante phonologique du langage qui est souvent inattendu par rapport aux autres capacités cognitives et à l’enseignement reçu (traduction libre).

Cet élément rejoint les constats scientifiques les plus solides scientifiquement : l’apport essentiel du bon développement du traitement phonologique afin de favoriser le plein développement des habiletés en lecture et en écriture.

 

6- Des conséquences secondaires peuvent inclure des problèmes de compréhension en lecture, une expérience réduite qui peut entraver la croissance du vocabulaire et des connaissances de base (traduction libre).

Cette partie relève une autre dimension de la dyslexie et dysorthographie que la recherche documente, c’est-à-dire qu’une moindre stimulation en lecture peut entrainer des limitations sur le développement du vocabulaire et des connaissances. Ce phénomène, nommé « l’effet Mathieu », a été mis en lumière pour la première fois dans un article scientifique de 1986 écrit par Stanovich. Le principe sous-jacent est que l’enfant qui lit moins sera moins stimulé et aura moins d’occasions de développer ses connaissances et son vocabulaire. Cliniquement, le professionnel doit considérer que des difficultés de langage complexe, tel que la compréhension de phrases complexes, de vocabulaire plus recherché ou d’expressions peuvent être secondaires aux difficultés de lecture qui ont limité l’exposition à l’écrit et donc, le développement d’un langage plus élaboré.