La morphologie dérivationnelle et flexionnelle
Pour faire des interventions ciblées, il est essentiel de bien comprendre ce qu’est la morphologie. La morphologie est une caractéristique des langues qui considère la décomposition de petites unités dans certains mots. Lorsqu’un mot est composé de morphèmes, chaque morphème porte un sens et une forme. En français, deux types de morphologie sont documentés : la morphologie flexionnelle et dérivationnelle.
D’abord, la morphologie flexionnelle concerne les marques grammaticales. Par exemple, le genre, le nombre ou la terminaison des verbes conjugués. Ces marques sont parfois audibles alors que d’autres sont plus spécifiques à l’écrit. Par exemple, entendre « il court ou ils courent » ne permet pas de déterminer le nombre du sujet. Ce n’est pas le cas avec les phrases « il dort » et « ils dorment ». Ensuite, la morphologie dérivationnelle permet de créer de nouveaux mots en combinant une base et un affixe. En français, de nombreux mots sont générés par la morphologie dérivationnelle. Par exemple, chanter, chanteur ou chanson sont de la même famille tout comme beau, beauté, embellir et embellissement.
Ces deux types de morphologie soutiennent la construction du sens, la grammaire et la précision lexicale en français. Elles participent toutes deux au développement du langage complexe, essentiel pour apprendre, lire et écrire efficacement. La recherche documente que la morphologie dérivationnelle est un moyen d’intervention. Ce type d’activités bonifie la lecture, la compréhension en lecture ainsi que l’orthographe des mots.
Repères de développement de la morphologie
Durant les premières années de vie, l’enfant développe la morphologie flexionnelle. Il apprend graduellement à respecter le pluriel, le genre et la conjugaison. À l’école, l’enfant solidifie ses connaissances grâce à la lecture et à l’écriture. Il apprend à nommer ces règles (ex. pluriel, temps de verbe), développant ses habiletés métalinguistiques. Quant à la morphologie dérivationnelle, l’enfant développe ses habiletés plus tardivement. Vers 3 ou 4 ans, il montre une sensibilité à la morphologie dérivationnelle. Les parents notent alors des productions comme « piscineur » pour signifier « une personne qui nage dans la piscine ». Grâce à la morphologie dérivationnelle, qui est une caractéristique importante du français, l’enfant francophone élargit son vocabulaire. Entre la troisième et à la cinquième année, les habiletés en morphologie dérivationnelle des jeunes évoluent rapidement. Ces apprentissages se poursuivront jusqu’à la fin de l’adolescence.
Les avantages de l’intervention en morphologie dérivationnelle
La recherche recommande de développer la conscience morphologique dérivationnelle. Cela permet d’enrichir le vocabulaire, de favoriser la compréhension écrite et l’orthographe lexicale. Pour y parvenir, différents moyens sont exploités par les chercheurs. En général, ceux-ci sélectionnent des morphèmes pour lesquels le sens est explicité. Par exemple, le morphème « eur » signifie « une personne qui… ». Ensuite, différentes activités de manipulation des morphèmes permettent de développer la conscience des morphèmes et leur sens. Pour que ces activités aient un impact, elles doivent être proposées de façon régulière et graduellement espacée. L’intervenant doit également s’assurer de favoriser leur utilisation dans des contextes plus naturels. Faire des liens explicites entre les activités de conscience morphologique en production ou compréhension de textes est crucial.
Les interventions en morphologie dérivationnelle permettent d’enrichir le vocabulaire et la compréhension de textes. Ces gains sont observés autant chez les jeunes sans difficulté que ceux ayant des défis d’apprentissage. Les jeunes dont le français n’est pas leur langue maternelle bénéficient également de ce type d’interventions. La morphologie dérivationnelle permet d’inférer le sens de mots nouveaux à partir de leurs composantes. Par exemple, comprendre « invisible » devient plus facile en connaissant « visible » et le préfixe « in ». Le recours à cette conscience morphologique peut également solidifier les concepts abstraits des classes de mots. Par exemple, manger, mangeable et mangeur partagent la même base qui signifie « se nourrir ». Par exemple, le suffixe « able » est une marque grammaticale qui désigne un adjectif. Le morphème « eur » intègre un nom commun.
La recherche relève également que la conscience morphologique dérivationnelle contribue au développement de l’orthographe lexicale. En effet, segmenter les mots en petites unités facilite l’apprentissage des morphèmes. Cela permet également de les réutiliser dans d’autres contextes. Expliciter et comparer les mots à partir de leur base et affixe facilitent l’apprentissage de l’orthographe. Par exemple, apprendre l’orthographe de « eur » dans « nageur, voleur » pourra permettre de réutiliser le morphème dans « créateur ». Toutefois, il ne suffit pas d’exposer et de conscientiser les jeunes à ces manipulations morphologiques. Il est crucial de proposer des activités de production écrite.
Structurer ses interventions en morphologie dérivationnelle favorise les apprentissages. Cela permet aux élèves de généraliser les règles et de réduire les erreurs en orthographe lexicale. Différentes activités peuvent être proposées pour y parvenir. Par exemple, proposer des complétions de mots ou phrases troués. Il est également important de solidifier et complexifier les tâches. Par exemple, proposer des activités de production de phrases avec les mots dérivés. L’enseignant peut favoriser le transfert des apprentissages en faisant des liens entre le quotidien et les apprentissages.
Comment intervenir sur la morphologie dérivationnelle
Travailler la morphologie dérivationnelle demande une approche ciblée, graduelle et structurée. Plusieurs caractéristiques doivent être prises en compte pour proposer une intervention pertinente, ciblée et fonctionnelle. Selon l’âge et le profil des jeunes, il faut sélectionner les bons morphèmes. D’abord, il est préférable de sélectionner des morphèmes dont le sens est plus accessible et concret. Par exemple, le morphème « eur » dans « vendeur » signifie « une personne qui vend ». Cela est plus concret que le morphème « a » comme dans « adoucir », qui signifie « rendre plus doux ». De plus, ces morphèmes doivent être utilisés dans des mots généralement connus par l’apprenant. En effet, utiliser au départ des mots compris par l’enfant solidifie la conscience et les connaissances morphologiques. Lorsque cette connaissance est installée, il faut la solidifier avec des mots moins familiers. Cela permet d’enrichir le vocabulaire des apprenants.
Pour développer la conscience morphologique, des activités de manipulation de morphèmes sont largement exploitées. Ces tâches amènent les apprenants à fusionner et segmenter des morphèmes dans des mots. Il est également fréquent de recourir à des activités de comparaison de mots dérivés. Finalement, un autre élément crucial dans les interventions est d’intégrer le sens des morphèmes et des mots. Il est utile de modéliser comment analyser les mots dérivés pour en comprendre le sens.
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