Depuis 2006, les outils d’aide technologiques en lecture et en écriture font partie de mon quotidien professionnel. Depuis ce temps, les produits disponibles sur le marché ont évolué. Les produits offrent de plus en plus de fonctionnalités et le nombre de produits augmente également.
Depuis 2015, année de parution de la seconde édition de l’ouvrage « Méthode de production et de correction de textes avec les outils technologiques » qui offre du matériel d’intervention flexible et gradué, les avancées scientifiques sur le sujet de l’utilisation des aides technologiques auprès des jeunes ayant des troubles d’apprentissage sont plutôt discrètes. Au Québec, quelques recherches ont approfondi le sujet, dont plusieurs dans une perspective pédagogique.
D’abord, plusieurs documentent l’utilisation des technologies dans un contexte d’inclusion scolaire, tel que décrit par Nadia Rousseau et son équipe dans un rapport de recherche. Dans cette perspective, les aides technologiques en lecture et en écriture sont accessibles à tous les apprenants. Pascal Grégoire, chercheur à l’UQAT, approfondi également le sujet dans différents rapports, dont « L’utilisation d’un outil d’aide à la révision et à la correction en contexte d’écriture numérique » de janvier 2018.
Dans une perspective d’intervention combinant la rééducation et la compensation, Myriam Fontaine, professeure à l’UQAM, a documenté l’utilisation des aides technologiques auprès des jeunes dysorthographiques, par l’entremise de sa thèse doctorale de 2019. Cette recherche renforce l’importance d’offrir un accompagnement gradué et adapté aux jeunes qui utilisent les aides technologiques et que cela a des répercussions positives sur la production de textes.
En effet, la nécessité de cibler et de documenter les besoins des jeunes demeure une étape primordiale pour bien les guider dans le choix des fonctions d’aide. Outre cet aspect, un accompagnement spécialisé, à l’aide d’un orthopédagogue ou un orthophoniste, permet de développer de bonnes méthodes de travail et stratégies selon les besoins de chaque jeune. En travaillant de cette façon, les intervenants mettent en place les ingrédients indispensables à l’utilisation optimale des aides technologiques.
WordQ et Lexibar sont des produits similaires qui possèdent des fonctions d’aide semblables : la prédiction de mots et la rétroaction vocale par voix de synthèse, qui, lorsqu’elles sont présentées graduellement et dans des contextes favorables, permettent aux jeunes de démontrer leurs compétences et leurs connaissances. Bien certainement, l’intervenant joue un rôle crucial pour favoriser l’apprentissage de stratégies et de méthodes de travail dans des tâches contrôlées et graduées qui respectent le rythme de l’apprenant. À cela peuvent s’ajouter des interventions visant davantage la rééducation. Selon mon expérience, autant WOrdQ que Lexibar peuvent aider de façon adéquate les jeunes pourvu que des interventions adaptées soient mises en place. Toutefois, lorsqu’un jeune produit de nombreuses erreurs phonologiques et une grande quantité d’erreurs lexicales, Lexibar offre un meilleur soutien.
WordQ offre, en écriture, la fonctionnalité « dictionnaire orthographique et lexical » qui permet d’ajouter des mots et d’intégrer des informations personnalisées.
Lexibar ajoute certaines fonctionnalités supplémentaires qui peuvent aider les plus jeunes apprenants et ceux en très grande difficulté. D’abord, Lexibar offre un vérificateur d’orthographe qui indique qu’un mot est mal orthographié. Dans sa version payante, Lexibar offre une prédiction de mots « par prédiction phonologique »qui rend le prédicteur de mots plus sensible aux erreurs phonologiques et lexicales. De plus, des illustrations associées aux mots suggérés dans la boite de prédiction apparaissent.
Peu importe le produit choisi, ces fonctions d’aide permettent à l’apprenant de démontrer ses compétences en rédaction de textes. Avec de bonnes méthodes de travail et stratégies, ces fonctions d’aide permettent au scripteur de réduire la présence d’erreurs phonologiques, lexicales et syntaxiques. La prédiction de mots doublée de la synthèse vocale doit être exploitée pour réduire les erreurs phonologiques et lexicales alors que la synthèse vocale est essentielle pour réduire les erreurs de construction de phrases ou de grammaire audible (ex. la petit souris dort).
En complémentarité, selon l’âge et le niveau d’habiletés et de compétences de l’apprenant, l’ajout d’un réviseur-correcteur, tel qu’Antidote, complète l’ensemble des aides technologiques afin de soumettre l’apprenant dans la correction d’autres types d’erreurs, notamment de grammaire. En complémentarité avec un réviseur-correcteur, le recours à différents outils de référence, tels que des dictionnaires de conjugaison, de définitions ou de synonymes est indispensable.
D’autres fonctions d’aide et d’autres outils existent sur le marché pour aider les jeunes en situation d’écriture. L’analyse de la situation d’un jeune et de ses difficultés permet de bien orienter ses choix. Des expérimentations avec l’apprenant permettront de valider ses choix.
Les difficultés en lecture s’expliquent de différentes façons. Parfois, un trouble de langage peut limiter le traitement de l’information alors que pour d’autres jeunes, l’identification des mots écrits est si longue et laborieuse que cela a des répercussions sur la compréhension de textes. À l’instar de l’écriture, en identifiant bien la ou les causes qui entrainent des difficultés de lecture, l’intervenant peut mieux choisir les fonctions d’aide appropriées et les expérimenter.
La synthèse vocale est la fonction principalement utilisée pour faciliter l’accès aux informations contenues dans un texte dans le cas où un apprenant lit trop lentement ou produit trop d’erreurs en lisant. De cette façon, en lisant le texte avec une voix robotisée, l’apprenant est en mesure de concentrer ses énergies à traiter l’information. Différents produits permettent d’utiliser cette fonction, que ce soit WordQ, Lexibar ou la lecture immersive de la suite Office.
D’autres fonctions d’aide facilitant le traitement visuel existent, que ce soit par exemple l’épuration visuelle ou la surbrillance de mots lus. Le récit Service national – Inclusion scolaire et adaptation scolaire documente ce type de fonction d’aide.
Voici les apports potentiels de diverses fonctions d’aide en lecture et en écriture: traitement de textes, prédiction de mots, rétroaction par synthèse vocale, réviseur-correcteur et outils de référence.
Le traitement de textes, en écriture, peut :
Toutefois, si l’apprenant n’a pas un doigté fonctionnel, c’est-à-dire s’il n’utilise pas ses deux mains et s’il ne repère pas rapidement les lettres sur le clavier, ces gains sont annulés.
Le prédicteur de mots par prédiction orthographique, en écriture, peut :
Toutefois, cette fonction d’aide ne soutient pas l’apprenant à trouver des idées ou à transcrire ses idées à l’écrit ni à éviter des erreurs de segmentation et de fusion de mots ou encore des erreurs phonologiques. Dans ces cas, une prédiction de mots par prédiction phonologique comme Lexibar pourrait être d’un meilleur secours.
La rétroaction par voix de synthèse vocale, en écriture, peut :
Toutefois, cette fonction d’aide ne supporte pas les apprenants s’ils n’utilisent pas de stratégies ni de questionnements métacognitifs adéquats, s’ils ne retiennent pas l’information entendue ou s’ils ne détectent pas les erreurs audibles, comme pour les jeunes ayant un TDL.
Le réviseur-correcteur, en écriture, peut :
Toutefois, cette fonction d’aide ne supporte pas les apprenants s’ils ne possèdent pas les connaissances nécessaires pour effectuer des choix, n’utilisent pas les outils de référence au besoin ou s’ils présentent des difficultés à construire des phrases ou à organiser ses idées.
La synthèse vocale, en lecture, peut :
Toutefois, si l’apprenant rencontre des difficultés à traiter l’information, à la mémoriser ou s’il présente des difficultés d’attention, la synthèse vocale pourrait être peu utile, voire nuisible.
Les outils de référence, en écriture, peuvent aider à trouver :
Toutefois, si l’apprenant n’écrit pas au son, a de la difficulté à transférer de l’information d’un contexte à l’autre ou s’il a de la difficulté à tenir compte du contexte, ces aides technologiques peuvent être difficiles à utiliser.
Les outils de référence, en lecture, peuvent aider à trouver :
Toutefois, si l’apprenant a de la difficulté à transférer de l’information d’un contexte à l’autre ou s’il rencontre des difficultés langagières, ces aides technologiques peuvent être plus difficiles à exploiter.
L’utilisation des aides technologiques est une avenue prometteuse qui permet aux jeunes en difficulté d’entrevoir une réussite possible malgré des défis en lecture et en écriture.
Bien que simples d’utilisation, les intervenants doivent être soucieux et impliqués dans l’appropriation de ces outils par les jeunes. Les apprenants sont souvent très à l’aise avec la technologie, mais l’intervenant est la personne qui permet de développer des stratégies et des méthodes de travail adaptées aux besoins des jeunes. Avec le recul, l’intégration des aides technologiques en bas âge et l’accompagnement régulier pour favoriser une bonne utilisation constituent des ingrédients à la réussite des jeunes.
Comme intervenant, l’objectif de l’accompagnement vise à rendre les apprenants conscients et motivés à utiliser leurs aides technologiques. Pour certains, ce sera plus facile alors que pour d’autres, ce sera plus difficile. L’intervenant a un rôle crucial à jouer dans ce processus afin que le jeune se mobilise et reconnaisse l’importance d’utiliser ces outils d’apprentissage.
Trois grands axes d’intervention permettront de construire cette mobilisation et motivation chez les jeunes.
D’abord, l’intervenant doit accompagner l’apprenant dans sa connaissance de soi. Apprendre à identifier ses défis et ses forces en lecture et en écriture permettra de créer des liens avec les fonctions d’aide utilisées. Prendre conscience que beaucoup d’erreurs d’orthographe sont présentes renforcera l’importance de bien utiliser la prédiction de mots, par exemple.
Ensuite, la formation et l’accompagnement réguliers des jeunes utilisant les aides technologiques permettent de développer les stratégies, méthodes de travail et questionnements métacognitifs nécessaires à une bonne utilisation des aides technologiques.
Finalement, suite aux interventions offertes et à l’utilisation des aides technologiques dans des situations scolaires, l’intervenant a un rôle important à jouer en offrant une rétroaction juste et précise concernant l’utilisation des aides technologiques au quotidien et leurs impacts sur la situation du jeune.